Une biodiversité menacée
Selon la WWF, particulièrement active à Bornéo, l’île abrite dans ses forêts tropicales 6 % de la biodiversité mondiale. Sur cette île, les espèces vivantes ont évolué isolées du continent, et ont donc abouti à un taux d’endémisme (êtres vivants que l’on ne trouve nulle part ailleurs) particulièrement élevé.
Seulement, ce trésor de l’écologie est aujourd’hui menacé par une déforestation particulièrement agressive. À ce jour, l’île a déjà perdu plus de la moitié de ses forêts. Kalimantan, la partie indonésienne de l’île, a à elle seule perdu une surface de la taille de la Belgique entre 1985 et 2001.
Les raisons de cette hécatombe sont multiples : activités minières, commerce de bois, et bien sûr, la très médiatisée huile de palme. La Malaisie et l’Indonésie représentent à elles seules près de 90 % de la production mondiale, qui est par ailleurs en croissance constante. En Indonésie, la surface de monocultures de palmiers à huile est ainsi passée de 600 000 ha en 1985, à 6 millions en 2007. Cette disparition des habitats provoque l’érosion de nombreuses espèces, comme l’orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus), en danger critique d’extinction. Et ce n’est pas tout : la déforestation amène d’autres problèmes, comme des incendies de plus en plus fréquents sur une forêt fragilisée, des problèmes de sécheresse, ou une dégradation des sols.
Le fait que l’île soit divisée entre trois pays, l’Indonésie, la Malaisie, et Brunei, rend la protection de la forêt encore plus difficile, par manque d’unité. Mais, cette période, au moins, est révolue, car en 2007, les trois États ont signé un accord historique pour établir une zone protégée centrale de 220 000 km2 intitulée Cœur de Bornéo. Cet engagement a permis le développement d’aires protégées, et le rejet de projets de routes, d’exploitation du bois ou de champs de palmiers à huile.
Des émissions inquiétantes de CO2
La déforestation a décidément bien des conséquences désastreuses, comme celle d’importantes émissions de carbone. La forêt est en effet connue pour son pouvoir de rétention de CO2, si bien qu’on la qualifie de puits de carbone. Malheureusement, les arbres abattus libèrent tout le dioxyde de carbone emmagasiné. Ainsi, l’Indonésie est le 10ᵉ plus gros émetteur au monde de CO2, tandis que la Malaisie est le 23ᵉ.
Toutefois, les deux pays commencent tout doucement à mettre en place une politique de réduction des émissions, passant non seulement par la réduction de la déforestation, mais également par un sevrage de l’énergie charbon, très utilisée, surtout en Indonésie, et qui produit beaucoup de CO2. Dans le cadre de la COP27, l’Indonésie a ainsi reçu la somme de 20 milliards de dollars de la part des pays développés, pour mettre un terme à l’utilisation du charbon, et le remplacer par des énergies renouvelables. Grâce à ces efforts, l’Indonésie, tout comme la Malaisie, ont réussi à diminuer dans le premier cas, et à stabiliser dans le second, leurs émissions de CO2.
La capitale indonésienne, bientôt à Bornéo ?
Jakarta, la capitale de l’Indonésie, est en plein déménagement ! La raison : la ville devient absolument invivable. La mégalopole a un besoin en eau croissant et pourrait manquer d’eau très prochainement. On s’inquiète aussi du fait que Jakarta soit située à proximité d’une faille tectonique, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’un séisme catastrophique. Mais, surtout, elle s’enfonce sous les eaux à un rythme inquiétant de 6 cm par an. Cela est principalement dû à un problème de surpopulation : l’aire urbaine de la capitale compte près de 35 millions de personnes ! Cela implique donc non seulement de nombreux immeubles, qui pèsent lourd, mais également une surexploitation des nappes phréatiques, qui fragilisent les sols. Résultat : on estime que Jakarta pourrait être immergée d'ici à 2050 !
Alors le temps presse, et l’on voudrait que la ville fasse ses bagages dès 2024, et déménage 1 000 km plus loin, à Kalimantan, la partie indonésienne de Bornéo. La ville est donc déjà en construction, prévue pour accueillir 5 millions d’habitants. Pour autant, le transfert de cette capitale a été décidé sans aucune étude de l’impact environnemental que pourrait avoir la construction d’une mégalopole en pleine forêt tropicale. Si le gouvernement promet une ville en harmonie avec la forêt, les ONG locales et internationales craignent une destruction supplémentaire de l’habitat de nombreuses espèces vivantes, mais également celui de communautés autochtones.
Les parcs nationaux de Bornéo
Chacun des trois pays qui se partagent Bornéo a créé des aires de conservation pour en protéger la riche biodiversité. Témoins d’une prise de conscience écologique, elles varient dans leur degré de régulations, et peuvent alors aussi bien être des réserves, que des sanctuaires ou des parcs nationaux, marins ou terrestres.
En Malaisie, le parc national de Gunung Gading dans l’État du Sarawak, est surtout connu pour l’une de ses habitantes : la rafflésie (Rafflesia arnoldii). Cette plante parasite sans feuilles possède seulement quelques filaments, ancrés dans la liane dont elle tire l’énergie. Son seul attribut visible est sa fleur : la plus grande au monde ! Le parc national de Kinabulu, classé à l’Unesco, abrite le point culminant de l’île, et de Malaisie : le mont Kinabalu, et ses 4 095 m d’altitude. Ses forêts tropicales, plus ou moins vallonnées, offrent un véritable paradis pour les randonneurs, qui pourront s’essayer à la plus haute via ferrata au monde.
Côté indonésien, les parcs n’ont rien à envier à leurs voisins. Parlons du parc national de Tanjung Puting, reconnu comme une réserve de biosphère par l’Unesco, tant il abrite d’espèces vivantes. Le parc est ainsi le refuge de l’une des plus grandes populations d’orangs-outans au monde. Le parc national de Kayan Mentarang, plus grand de l’île, abrite lui aussi une faune très riche, constituée notamment du Pangolin malais, du macaque crabier, ou d’autres espèces menacées, comme le Gibbon de Müller.
Enfin, au Brunei, situé au nord de l’île, c’est le parc national d’Ulu Temburong qui fait la fierté du sultanat. Surnommé « le joyau vert du Brunei », il arbore une jungle luxuriante riche en espèces fascinantes, telles que le Calao rhinocéros, un oiseau au bec énorme surmonté d’une sorte de corne.