Leitfaden Niger : Population
Le premier recensement administratif au Niger en 1905 évaluait la population à 1 075 000 habitants, aujourd'hui, elle avoisine les 14 millions. En 2025, le Niger devra faire face à une croissance démesurée : 22,5 millions d'habitants et, en 2050, 53 millions si la mortalité continue de décroître, avec une hypothèse des Nations unies de 3,5 enfants par femme contre 7 actuellement (selon la Division de la population des Nations unies), soit la plus forte fécondité au monde. Près de 50 % de la population a moins de 15 ans (soit presque 2,5 millions en âge d'être scolarisés) et 90 % est concentrée sur moins d'un quart du territoire. Le taux d'accroissement annuel est de 3,5 %, avec 84 % de la population rurale. Les densités de population varient de 114,5 habitants/km2 dans la région de Maradi à moins de 5 habitants/km2 dans les départements d'Agadez et de Diffa. Le déséquilibre de peuplement va en s'accentuant au fil des ans. En effet, 97,4 % de la population du Niger vit sur moins d'un tiers de la superficie du pays dans la bande sud agricole. L'exode des campagnes vers les villes est cependant important : en 2015, 30 % des 16,7 millions d'habitants que comptera le Niger vivra dans les villes. Actuellement, 16,2 % des Nigériens vivent dans les 40 centres urbains que compte le pays, et plus de la moitié dans les 3 plus grandes villes du Niger. Le nombre d'habitants de la capitale est fluctuant selon les saisons, beaucoup d'urbains quittant la ville au moment des travaux des champs ou partent en exode travailler plusieurs mois de l'année dans les pays du golfe de Guinée. Le Niger serait alors le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique de l'ouest après le Nigeria. Dompter cette croissance relève d'un véritable défi lorsque l'on connaît le peu d'engouement des populations pour la planification familiale, rejetée pour incompatibilité avec leur pratique religieuse.
La forte fécondité est le résultat de multiples pesanteurs sociales : réflexes pronatalistes, religion, mariage précoce et pauvreté. Une étude de EDS de 1998 a même montré que le désir de fécondité était supérieur à la fécondité observée. Le Niger est donné imbattable en classe de mortalité, surtout depuis la dégradation des services de santé dans les années 1990 mais figure parmi les derniers pour la scolarisation et l'alphabétisation. Triste record qui va en s'aggravant. Selon le PNUD, le Niger a possédé pendant plusieurs années le plus faible indicateur de développement humain, indice composite qui comprend trois éléments : la durée de vie mesurée d'après l'espérance de vie à la naissance, le niveau d'instruction et le niveau de vie. Une forte mortalité maternelle (7 %) et infantile (132 ‰) révèle les carences de la couverture sanitaire et l'absence de produits pharmaceutiques. Les populations peuvent se diviser en sédentaires-cultivateurs et nomades-éleveurs, distinction qui correspond aussi à des appartenances ethniques.
Mais l'on pourra constater des interférences entre les activités pratiquées : tout cultivateur ayant un petit élevage, et certaines familles de tradition nomade cultivant un champ en zone de culture sous pluie ou pratiquant le maraîchage irrigué depuis des générations comme cela est courant dans les vallées de l'Aïr.
On convient que Peuls, Touareg, Toubou et Arabes sont nomades de par l'activité traditionnelle d'élevage transhumant qu'ils pratiquent, tandis que Haoussa, Zerma-Songhaï, Kanouri et Gourmantché sont sédentaires puisque cultivateurs. Avec le taux d'urbanisation grandissant, conséquence de l'exode rural dû aux difficultés économiques, quel est réellement le pourcentage de vrais nomades au Niger ? L'appartenance ethnique n'est pas toujours si apparente aux yeux de l'étranger. Par exemple, depuis des siècles, de nombreux métissages, dus aux migrations, font qu'il y a plus de Touareg de race noire que de race blanche aux origines berbères. Pourtant, ils se désignent tous comme Touareg par leur attachement profond au groupe tribal auquel ils appartiennent ; les liens qui les unissent sont nombreux : même langage, mêmes croyances, même culte, même histoire, même territoire désertique.
L'Etat nigérien et les individus eux-mêmes se définissent par leur appartenance à une ethnie. L'ethnie se limite à un groupe d'individus qui trace lui-même les frontières de son identité parce qu'il pense qu'il est différent des autres par sa langue, ses us et coutumes, qu'il croit être le seul à détenir.
Or, quand on regarde l'histoire passée et l'histoire contemporaine avec les manipulations qui peuvent être faites avec le mot " ethnie ", on s'aperçoit que les groupes d'individus d'aujourd'hui sont la résultante de tant de migrations et de métissages qui se poursuivent encore, que ce terme doit être pris avec du recul. Il n'y a pas non plus une ethnie proprement nigérienne car chacune d'elle possède aussi de vastes ramifications hors des frontières du pays. De plus, la société traditionnelle est en perpétuelle mutation au contact de la société urbaine et moderne. Nombreux sont les exemples de familles appartenant à une ethnie, mais qui en parlent mal la langue, voire plus du tout, ni ne pratiquent les coutumes parce que l'environnement dans lequel elles vivent est le plus fort, notamment en ville.
Les Haoussa, qui sont sédentaires, forment la majorité de la population du Niger (53 %), et surtout un peuple résidant principalement dans les provinces septentrionales du Nigeria. La région haoussa au Niger est comprise dans le triangle délimité par les villes de Dogondoutchi, Tahoua et Zinder. Les Haoussa peuvent revendiquer une personnalité particulière ; selon E. Séré de Rivière (Histoire du Niger) " ils sont de physionomie ouverte, sympathiques, gais et volontiers moqueurs, mais ce sont de grands palabreurs, vantards et orgueilleux, doués de qualités très réelles d'intelligence et d'adresse aux affaires ". Plusieurs groupes constituent la famille haoussa, leurs origines ne sont pas toujours bien connues ou relèvent d'hypothèses : ce sont les Masoumaoua, les Dourbaoua, ancêtres des Katsénaoua, les Goberaoua chassés de l'Aïr par les Touareg, les Kourfeyaoua vers Filingué, les Tyanga, habitants les plus anciennement connus de la vallée du Niger, peut-être une des familles fondamentales de la grande famille haoussa. A l'origine, ce sont souvent des groupes ou des villages haoussa plus ou moins organisés politiquement qui, sous la poussée d'envahisseurs touareg, peuls ou kanouri, se sont regroupés dans des régions. Chaque groupe a pu conserver ses particularités internes liées à l'animisme et aux croyances d'avant la pénétration de l'islam : culte des ancêtres, sacrifices, existence de bori, génies invisibles liés aux forces de la nature avec lesquels il faut composer, tout en y juxtaposant les croyances du Dieu unique de l'islam. Dans chaque quartier existe un prêtre, Sarki Bori, chef de la confrérie, le Sarauniye Bori, chargé de surveiller le déroulement des danses et particulièrement le moment où le génie " monte sur la tête " du possédé lors des nombreuses fêtes azna (à fond animiste) qui ont lieu pour les travaux champêtres, pour faire se rencontrer les jeunes à marier, pour les initiations, etc. Traditionnellement, on classe les Etats haoussa en sept Etats sous l'appellation " haoussa bokwoy ", et l'on trouve ce peuple éparpillé dans le Niger actuel dès le VIIe siècle. Au XVe siècle, sous le règne du roi Rimfa, la ville de Kano au Nigeria fut la première des cités haoussa. Les Etats haoussa réalisaient un système d'économie dans lequel le commerce et l'agriculture étaient parfaitement équilibrés avec des activités artisanales très développées comme les manufactures de tissage et les maroquineries. Des procédés de tissage et de teinture, riches de coloris à la mode, permettaient la fabrication de pagnes très recherchés. D'ailleurs, le litham d'apparat des Touareg, fait de longues bandes étroites cousues à la main et trempées dans l'indigo, est toujours fabriqué à Kano au Nigeria. Après avoir subi des invasions successives et avoir été chassés de l'Aïr par les Touareg, de l'est par les Kanouri et de l'ouest par les Songhaï, ils se replièrent sur le centre-sud pour former un bloc haoussa homogène. Au début du XIXe siècle, sous le prétexte d'une guerre sainte, le conquérant peul Ousman Dan Fodio s'empara de tous les Etats haoussa. Les Peuls ont donc eu une influence religieuse, culturelle et politique très importante sur le monde haoussa. Les Haoussa sont essentiellement des cultivateurs, des artisans (tisserands, brodeurs) et des commerçants, ces derniers pratiquant d'intenses échanges avec leurs cousins du Nigeria. Les régions haoussa étaient régies par des sultans et ont été le théâtre de luttes intestines dans les familles régnantes et de guerres entre elles, leurs vassaux et les envahisseurs, pour l'obtention du pouvoir. Les sultanats actuels (Zinder, Maradi, Agadez) n'ont plus qu'un pouvoir traditionnel local, les instances de l'Etat moderne ayant supplanté leurs prérogatives antérieures. Ils essaient de maintenir un train de vie de cour, avec des gardes, des musiciens (joueurs de grandes trompes), des griots... et l'on peut admirer leur apparat lors des fêtes.
Les Zerma-Songhaï habitent l'ouest du pays et constituent 22 % de la population. Les Songhaï sont à l'origine les habitants répartis le long du fleuve Niger et sur ses îles, sur sa portion qui traverse le Niger actuel de part et d'autre de la ville de Tillabéri. Dès le VIIe siècle, on les appelle les Sorko, ce sont des tribus de pêcheurs et de piroguiers. Après la chute de l'empire songhaï, ils se sont repliés sur leurs habitats, face aux voisins peuls et zerma auxquels certaines tribus se sont mêlées, notamment les Songhaï cultivateurs. Les populations dont la vie est au fleuve gardent vivant un animisme qui lui est lié, avec les génies du fleuve (Hara Koy, la déesse de l'eau) et la faune aquatique : lamantins, hippopotames, crocodiles. Les Zerma sont probablement venus du Mali, peut-être désireux de fuir les troubles des Peuls du temps de Soni Ali Ber et se sont installés dans la Zarmaganda qui porte leur nom. Le chef de cette migration serait Mali Béro, qui fonda Sargam au sud de Ouallam où il est enterré. Plusieurs groupes se sont éparpillés dans le temps sur une zone qui va de Ouallam à Dosso, trouvant des parties vierges mais aussi des autochtones auxquels ils se sont assimilés, adoptant la langue songhaï tout en gardant les coutumes propres à leur groupe ethnique. La population zerma-songhaï a donc des origines très métissées, berbères de par ses ancêtres venus du Mali, marocaines du temps de la conquête (qui s'est avancée jusqu'au W du fleuve aux environs de Say de la fin du XVIe siècle jusqu'au milieu du XVIIe siècle). Les Wogo se rattachent au groupe linguistique des Zerma-Songhaï, tandis que les Kourtey, considérés comme les pirates du fleuve qui enlevaient des gens pour le commerce des esclaves, se rattachent aux Peuls.
Les Tienga sont considérés comme les plus anciens habitants de la rive gauche du fleuve, de Falmèye jusqu'au Nigeria. Ils sont en voie d'assimilation par les Haoussa et les Zerma du Dendi (région de Gaya), mais des villages subsistent dans l'arrondissement de Gaya, au nord du Bénin et au Nigeria où vit un roi des Tienga. Leur langue est le tchangantchi, non encore diffusé sur les ondes. Ce sont de très bons cultivateurs, souvent non islamisés, pratiquant les rites agraires et la religion de leurs ancêtres.
Les Touareg peuplent surtout la zone désertique (11 % de la population) et sont avant tout des hommes qui ont su s'adapter à un milieu hostile pour l'être humain : les régions sahariennes. Cette adaptation a façonné un caractère commun et une adhésion à des moeurs, des traditions et un milieu de vie qu'ils défendent farouchement. Le mot " touareg " est une appellation arabe désignant les Berbères voilés originaires d'une vallée appelée Targa au Fezzan (Libye), ce terme aurait été véhiculé par les Européens entrés en contact avec les Touareg par le monde arabe. Eux-mêmes se nomment Kell Tamashek, ceux qui parlent la langue tamashek, langue d'origine berbère qui fait leur unité, ou Kell Teguelmoust, ceux qui portent le litham.
Ibn Khaldum rapporte que " de temps immémorial (depuis des siècles avant l'islamisme) ils avaient contribué à parcourir cette région (le Sahara) où ils trouvaient tout ce qui suffisait à leurs besoins, évitant les contrées civilisées, ils s'étaient habitués à l'isolement, et, aussi braves que farouches, ils n'avaient jamais plié sous le joug d'une domination étrangère ". Ils ont conservé l'alphabet libyque et l'écriture berbère, le Tchifinagh, mais peu de gens s'en servent encore. On trouve des tribus touareg au Niger, au nord du 14e parallèle, dispersées de l'ouest de Tillabéri au nord de Zinder, avec une prépondérance dans le nord du département de Tahoua et tout le département d'Agadez. Traditionnellement, ce sont des éleveurs nomades qui transhument avec leurs troupeaux de chameaux et de petits ruminants dans les vastes plaines à pâturages où la culture sous pluie est impossible. Dans l'Aïr, ils sont aussi caravaniers pour échanger des biens avec les habitants des oasis du Kawar à l'est du Ténéré ; et jardiniers grâce au climat plus frais en hiver qui permet une agriculture irriguée d'oasis.
Voici une légende rapportée par le vétérinaire Koné, reprise par Marguerite Dupire en 1962 dans son mémoire d'ethnologie. Il y a 2 500 ans environ que les boeufs et les sauterelles prenaient naissance dans une étendue d'eau appelée Milia et située à l'est. Tous les matins, des boeufs sortaient de Milia pour paître sur le rivage. Un soir, un enfant peul les vit sortir de l'eau. Il courut prévenir son père. Celui-ci vint se mettre au guet pour vérifier le rapport de son fils. Il vit également les boeufs sortir de l'eau. C'était le soir. Il eut l'idée d'allumer un grand feu sur le rivage, laissa le feu allumé et rejoignit sa demeure. Les boeufs ressortirent de l'eau, allèrent au pâturage et vinrent, au retour se réchauffer auprès du feu allumé par le Peul. Cela dura plusieurs jours. Une nuit, le Peul revint avec sa famille et se cacha derrière un arbre après avoir allumé le feu. Quand les boeufs revinrent pour se réchauffer, le Peul rampa vers eux et bondit sur le plus proche. Le boeuf assailli voulut entraîner son agresseur dans l'eau. Ce dernier appela sa famille à son secours. Le boeuf fut maîtrisé, mis à la corde et emmené dans la demeure du Peul. Il fut attaché à un piquet. Tous les jours, le Peul vint caresser l'animal. Ces caresses durèrent tant et si bien que le boeuf finit par se familiariser avec le Peul. Lorsque celui-ci jugea sa capture suffisamment habituée à lui, il lui rendit sa liberté. Le boeuf retourna à l'eau, mais revint aussitôt chez le Peul suivi par d'autres boeufs. Progressivement le nombre de boeufs attirés par le premier augmenta. Le Peul s'en aperçut avec satisfaction ; avec sa famille, il s'éloigna progressivement de l'eau jusqu'à la plaine riche de pâturages où il se fixa, suivi de toute sa capture qui ne l'abandonna plus.
Au Niger, ils sont disséminés au sud depuis la frontière du Mali jusqu'à celle du Tchad, ils constituent 10 % de la population. Leur origine est plutôt nébuleuse : venus de l'Afrique orientale ou plus spécifiquement du haut Nil, hypothèse formulée par Barth dès le XIXe siècle, ils auraient traversé le nord du Tibesti, le Hoggar et l'Adragh des Ifora en un temps où le Sahara disposait encore de pâturages pour venir au fil des siècles s'installer à l'ouest de l'ancien Soudan, notamment au Fouta Djalon et au Ghana tout en progressant vers l'est. Ils se sont divisés en plusieurs groupes, assimilant les civilisations sahéliennes, à cheval entre le monde berbère et le bastion bantou ou semi-bantou. Ils sont pasteurs nomades et cultivateurs sédentaires. Au Niger, les Peuls relèvent de deux groupes : les Foulbe, et les Bororo (Bororodji, " gens de brousse "), certainement le groupe peul le plus original car ses coutumes et ses traditions ont subi peu d'influences étrangères. La civilisation des Peuls Bororo est avant tout liée à la vie pastorale, avec un attachement intime aux troupeaux de zébus. La légende suivante, concernant l'origine des zébus, est inséparable de celle des Bororo, selon Boubou Hama dans Contribution à la connaissance de l'histoire des Peuls. Les Peuls Bororo se nomment eux-mêmes Wodaabe. Grands éleveurs de zébus, ils sont pratiquement les seuls à ne pas posséder de tente ni de case, ils vont là où le pâturage les appelle, libres et épanouis malgré la dureté de leur vie. Ce groupe singulier représente un des peuples les plus sensibles et les plus raffinés du continent africain : leur silhouette délicate les distingue dès l'abord. Les hommes ont des tresses épaisses de chaque côté du visage et les femmes ont un chignon sur le front et toute une cascade de gros anneaux sur le pourtour des oreilles. Les Wodaabe vouent un culte particulier à la beauté : le maquillage, la grâce et l'élégance sont l'apanage des hommes et lors de la fête du Geerewol, les jeunes filles choisissent le plus beau garçon du clan. Toutes les danses sont accompagnées de chants avec choeur et soliste, en une série de modulations où les basses et les aiguës se superposent selon un rythme régulier. Souvent le même phrasé mélodique est répété à plusieurs voix. Séré de Rivières décrit le Peul comme un homme " fin et nerveux, de taille élancée, de teint rouge-brun, au nez aquilin, front large et haut, cheveux très fins et lisses ". D'un esprit fin, hospitalier comme tous les Africains, il vaut mieux être son hôte que son ennemi. Son endurance et sa sobriété sont exceptionnelles. Il n'aime que son bétail, pour lequel il fera tous les sacrifices. Vagabond par nature, le sol ne l'attache pas, il peut être partout, mais de nulle part. C'est ainsi que les vieux se plaisent à dire que " les Peuls savent où ils sont nés mais ne savent pas où ils seront enterrés ". Les Peuls furent parmi les artisans décisifs de l'islamisation de toutes les régions de l'Ouest africain, car ils conquirent le pouvoir sur les autochtones païens au nom de l'islam. Ils s'emparèrent des régions les plus riches et les plus favorables à leurs troupeaux et constituèrent de puissants empires qui firent l'admiration des Européens au Fouta Djallon, au Macina et au Nigeria. La colonisation mit fin à leur expansion et la plupart d'entre eux sont devenus semi-sédentaires.
Les Kanouri sont issus d'un mélange d'une tribu venue de Libye ou peut-être d'Egypte, avec les Sô, autochtones du Bornou, autour du lac Tchad. On les appelle aussi les Béribéri (nom donné par les Haoussa), et on les trouve de Tanout au nord de Zinder jusqu'au Manga, près de Diffa, qui est la région où ils prédominent. Les différents groupes formant l'ensemble Kanouri, éleveurs de chevaux et de chameaux et agriculteurs, sont les Manga, de Zinder à Maïné-Soroa, les Dagara, dans le Koutous et le Damergou au nord de Gouré et les Mobeur, pêcheurs sur la rivière Komadougou au sud-est de Diffa. Toutes les régions concernées par le peuple kanouri ont été entièrement ou partiellement sous l'autorité de l'empereur du Bornou jusqu'à la fin du XIXe siècle. Les Boudouma sont des pêcheurs, éleveurs, cultivateurs et bateliers des îles et des rives du lac Tchad. Ils disposent d'une langue propre, le yédina, classée dans le groupe tchado-hamitique, aujourd'hui officielle. Beaucoup d'éléments de leur culture sont empruntés aux Kanouri. Les Boudouma sont les seuls Noirs africains à avoir utilisé les pirogues en roseaux, identiques à celles des anciens Egyptiens, elles sont remplacées aujourd'hui par des barques de bois. Dans leur tradition, ils font remonter leurs ancêtres à l'époque pharaonique, lorsque le lac couvrait 350 000 km2 et communiquait avec le Nil à travers le Soudan.
Les Toubou du Niger sont les populations peuplant la frange est et nord-est du pays. Dans certaines oasis, ils cohabitent avec les Kanouri qui leur ont d'ailleurs donné leur nom de Toubou, " habitants du Tou " ou Tibesti. Eux-mêmes se désignent Téda, s'ils sont originaires du Tibesti, (nord du Tchad actuel) ou Daza, s'ils sont du sud. Les Téda habitent l'arrondissement de Bilma jusqu'au Djado, les Daza occupent le massif de Termit au nord de Gouré jusqu'à N'Guigmi au bord du lac Tchad. Chaque groupe parle son dialecte. La majorité des Toubou pratique l'élevage et, dans les oasis, l'agriculture de façon secondaire, activité souvent réservée à des castes considérées comme inférieures. Il existe réellement un type physique toubou, comme une juxtaposition d'une peau noire sur des traits europoïdes. Selon Jean Chapelle, ils donnent une impression générale de finesse et de distinction et la vivacité fréquente du regard révèle l'intelligence. Ils appartiendraient à une race homogène provenant sans doute d'un lointain métissage de Noirs et de Blancs, et établie depuis longtemps dans son habitat actuel auquel ils sont très bien adaptés : parmi les autres nomades, ils sont les plus résistants à la fatigue, à la faim et à la soif. Autres traits de caractères cités par Séré de Rivières : les Toubou sont très nerveux, impulsifs, d'humeur instable, peu sociables, sur la défensive en permanence, et individualistes à l'extrême. La société toubou est anarchique dans la mesure où elle n'a pas d'institution politique. La société d'avant la colonisation était une société guerrière, les clans se battaient entre eux ou avec les Touareg et les Arabes. Le pouvoir acquis par un chef victorieux à la suite d'une razzia l'enrichissant en animaux et en individus pouvait être très vite remis en cause à la prochaine bataille. Aussi l'administration coloniale, faute de pouvoir s'appuyer sur une vraie chefferie traditionnelle, a désigné comme chef, tampon entre l'administration et la population, des individus incapables de mobiliser la population faute de légitimité ancestrale. Le clan est avant tout une unité sociale, même si les individus sont dispersés géographiquement, on connaît la grande mobilité des nomades Toubou. Les membres doivent respecter des interdits propres au clan et utiliser les mêmes marques de bétail. L'influence de la femme est primordiale et le lieutenant Le Rouvreur (monographie 1941) cite : " la majorité des palabres qu'il y a à régler chez les Toubous est soulevée par les femmes [... ]. C'est elle qui fait la loi, et c'est sans doute pour cela qu'il n'y a pas de loi ou, si l'on veut, qu'il n'en existe qu'une, celle du talion [... ] " !
La majorité d'entre eux vit dans le nord des départements de Tahoua, Zinder et Diffa, et dans le département d'Agadez. Ils partagent avec les Touareg la vocation de pasteur, mais sont avant tout de grands commerçants dont les ancêtres sont venus de Libye : du Fezzan, de Tripoli, Mourzouk, Gatron, Koufra, de Tunisie, d'Algérie : de Reggan, Colomb-Béchar, Adragh, et du Maroc via la Mauritanie et le Mali. D'autres auraient pour origine le Yémen, et la Turquie à l'époque de l'Empire ottoman et du khalifat. Malgré leur dispersion dans tout le pays, ils maintiennent leur langue et leur culture grâce aux écoles coraniques, aux medersas et aux lycées franco-arabes. Ils sont adaptés au milieu nigérien grâce à l'islam et à leur faculté d'apprentissage des langues du Niger.
Répartis entre le Burkina Faso, le Niger, le Bénin et le Togo, les Gourmantché se nomment Bimba. Au Niger, ils vivent dans les arrondissements de Say et Téra, sur la rive droite du fleuve. Suivant le mythe des Gourmantché, Diaba Lompo serait descendu du ciel, sur un cheval, portant en croupe une jeune fille du clan kombari. Diaba Lompo serait le fondateur du premier royaume gourmantché. Une vingtaine de royaumes auraient vu le jour autour de Fada N'Gourma (la cour des rois), au Burkina Faso. Une tradition les ferait venir de l'est : un interdit toujours en vigueur, défend au roi des Gourmantché tout comme au Moro Naba, empereur des Mossi, de voyager vers l'est, sous peine de mort violente. Les Gourmantché sont très peu islamisés ou christianisés, et sont très attachés à leur société et leur culture. Ils sont reconnus comme une minorité et leur langue, le gulmancema, est diffusée sur les ondes nationales.
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