Leitfaden Hanoi : Mode de vie
Le Viêt Nam change... Le dire est une évidence, le voir, une expérience. Depuis 1990, l'afflux de capitaux étrangers a considérablement fait augmenter le niveau de vie et le pouvoir d'achat de la population urbaine. Tout est bon à acheter, et particulièrement les biens de consommation qui symbolisent la réussite sociale et le bien-être matériel : voitures, motos, téléviseurs, lecteurs de DVD, ordinateurs... L'accessoire fait souvent figure d'essentiel.
De type patriarcal, la famille était fondée sur les valeurs de fidélité au roi (Trung), de piété familiale (Hieu), de politesse (Le) et de générosité (Nghia). La piété familiale, considérée comme la première vertu, rend tous les membres de la famille, vivants ou morts, solidaires dans le malheur ou dans la joie. Les morts, jusqu'à la neuvième génération, sont associés par le culte des ancêtres.
La famille n'admet en général aucune intrusion des pouvoirs publics dans son organisation. Elle est soumise à la seule autorité du chef de clan qui perpétue les traditions familiales. Ces traditions, réservant aux hommes les affaires réputées intellectuelles, attribuent à la femme toutes les tâches ménagères et quelquefois les travaux les plus pénibles : repiquer le riz, réparer les routes, cultiver le jardin et en vendre le produit. Elles sont aussi chargées de la gestion du foyer et de l'éducation des enfants. Ceux-ci restent pourtant, au regard de la tradition, la propriété du père qui peut les faire travailler et les marier avec ou sans leur consentement.
Aujourd'hui encore, toute décision importante doit être soumise à l'aîné de la famille et parfois même au chef du village. Les nouvelles générations installées aux abords des villes, puisque l'exode rural sévit, ont une plus grande liberté.
En ville, les moeurs évoluent plus rapidement, le poids de la famille est moins contraignant, et la plupart des jeunes choisissent leur conjoint. Mais, paradoxalement, la religion connaît un nouvel essor, les temples et les églises sont très fréquentés, les conseils des bonzes ou du clergé sont écoutés.
Bo ba di thoa (Mes meilleurs amis gay) est une websérie vietnamienne diffusée depuis 2012 sur Youtube. Elle raconte le quotidien de trois jeunes gay en collocation dans un appartement situé à Hô-Chi-Minh-Ville. La série a été créée par Huynh Nguyen Dang Khoa, étudiant en cinéma ouvertement gay qui dirige, produit, écrit et joue lui même dans la série. Chaque épisode dure environ 20 minutes, est réalisé avec des bouts de ficelle (un budget de 1 000 000 VND/soit 50 US$). Et cette quasi absence de budget n'empêche pas la série de faire un tabac puisqu'on recense près de deux millions de visionnages pour certains épisodes.
Alors que l'homosexualité était encore tout récemment officiellement considérée comme un " fléau social " dans le discours officiel, les signes de libéralisation se multiplient. Le 4 août 2013, dans le cadre de la 2e Gay Pride annuelle organisée au Viêt Nam, quelque 200 militants homosexuels ont défilé à vélo dans le centre de Hanoi, sans autorisation officielle il est vrai. Et en 2012, le ministre de la Justice Ha Huong Cuong, au cours d'un chat organisé sur le Net, avait même ouvert la porte aux débats sur le mariage gay : " Il est temps pour nous de regarder la réalité en face : le nombre d'homosexuels s'élève désormais à des centaines de milliers de personnes. Ce n'est pas rien. Ils vivent ensemble sans être légalement mariés. Parfois, ils sont propriétaires de leurs foyers. Nous devons donc trouver des réponses légales appropriées ".
En dépit de ces signes d'ouverture, l'homosexualité continue à susciter des résistances dans un pays qui reste marqué par les valeurs du confucianisme. Selon un sondage commandité par l'Institut d'études des sociétés, de l'économie et de l'environnement, 90 % des homosexuels vietnamiens disent en effet souffrir de discriminations ; 86 % cachent encore leurs préférences sexuelles.
Source : Éloïse Levesque. " Homosexualité : pour le droit à l'indifférence ", Le Courrier du Vietnam, 29 mai 2013. URL : http : //lecourrier.vn/lecourrier/fr-fr/details/3/societe/63792/homosexualite-pour-le-droit-a-lindifference.aspx
Le mariage reste une institution solide au Viêt Nam. Le fait que le mariage demeure la norme est démontré par la pression qui s'exerce sur les femmes célibataires âgées de plus de 30 ans, souvent diplômées et qui paradoxalement ont de plus en plus de mal à trouver un mari. On les appelle les ê, " celles qui sont restées sur l'étagère ". Elles ressentent souvent douloureusement la situation, marginalisées par la pression sociale qui les culpabilise de ne pas encore être mariées et mères de famille. Diplômées et bénéficiaires d'un salaire avantageux, leurs prétendants potentiels seraient intimidés par un tel étalage d'intelligence féminine. Quelques-unes de ces jeunes femmes cèdent aux injonctions de la société et aux pressions familiales en s'engageant dans des mariages de convenance qui finissent bien souvent par un divorce et qui sont des expériences pénibles.
Aujourd'hui, chez les jeunes, en particulier parmi ceux qui ont un niveau d'études élevé, on décèle toutefois une réticence croissante à s'engager dans la vie conjugale.
Pendant les années de guerre et sous l'effet d'une culture confucéenne omniprésente, la famille a conservé sa prééminence sur l'individu. La disette consécutive à la fin de la guerre du Viêt Nam, en 1975, n'a rien arrangé. La famille est longtemps restée une unité de production de base et une cellule sociale essentielle : " Les tribunaux, les organisations sociales et les comités du parti communiste faisaient tout pour que les gens ne divorcent pas ", indique Nguyên Van Anh, une sociologue du Centre des études appliquées à la famille. Le nombre des divorces est plus élevé parmi les jeunes générations. À Hô Chi Minh-Ville, les statistiques indiquent que les couples âgés de 18-30 ans représentent plus de 35 % des divorces. Les divorces sont également plus fréquents parmi les couples disposant d'un revenu élevé et doté d'un niveau d'éducation supérieur.
Alors que beaucoup de couples séparés n'auraient pas divorcé il y a 30 ans, au fur et à mesure que le pays se convertit à l'économie de marché, les Vietnamiens découvrent l'individualisme.
L'harmonie conjugale et familiale est également mise à mal par les horaires de travail et les exigences de la modernité, et nombre de couples se retrouvent séparés parce que le fil du dialogue est insensiblement rompu entre les membres de la famille du fait des exigences et des charges professionnelles.
Pour Bui Trân Phuong, qui assure le cours d'histoire sur les femmes vietnamiennes à l'université ouverte de Hô Chi Minh-Ville, la famille vietnamienne est aujourd'hui " un repère qui chavire ". " Au Viêt Nam, écrit-elle [Viêt Nam contemporain, IRASEC - Les Indes savantes, 2009], parmi les familles, on compte sans doute aujourd'hui beaucoup de nids chauds qui abritent des individus jeunes et moins jeunes, hommes, femmes et enfants. Mais on ne peut pour autant fermer les yeux sur les nids froids (où l'on ne communique plus), brûlants (où chacun est par trop agressif et violent), les nids de hérissons (où chacun se hérisse, inutilement sur la défensive), les tristes foyers où les chandelles ont cessé d'illuminer (toutes ces expressions ont été glanées dans la presse et dans les conversations courantes). La famille, conclut l'auteur, évolue, vigoureusement vivante, dans son épanouissement et dans ses prouesses, comme dans ses convulsions douloureuses. "
L'ouverture sur l'extérieur joue un rôle dans l'accroissement spectaculaire du nombre des divorces en révélant le caractère inacceptable de certaines situations autrefois considérées comme normales : " Beaucoup de femmes pensent réellement que leurs maris ont le droit de les frapper ", indique Nguyên Van Anh, et l'État ferme souvent les yeux sur ce type de problèmes considérés comme une affaire familiale.
Tous les experts soulignent l'ignorance des jeunes Vietnamiens en matière d'éducation sexuelle, ignorance qui se traduit par nombre de drames, avortements, suicides, enfants non reconnus.
Outre le danger omniprésent représenté par le sida, les relations sexuelles prénuptiales non protégées ont pour conséquence des taux d'avortement très élevés et Mme Chu Thi Xuyên, vice-présidente de l'Association vietnamienne de planning familial, souligne que les blessures spirituelles sont plus douloureuses que les blessures corporelles.
Dans une enquête récente qu'elle a menée, elle indique que 80 % des garçons se sont enfuis après avoir provoqué la grossesse de leur partenaire, abandonnant celle-ci à l'incertitude d'un avenir gravement compromis et la laissant affronter seule l'opprobre d'une société foncièrement conservatrice.
Sources : Hông Nga, Le Courrier du Vietnam, 24 juillet 2005.
Il existe au Viêt Nam un organisme gouvernemental de " lutte contre les fléaux sociaux " qui dépend du ministère du Travail, des Invalides et des Affaires sociales. Par ailleurs, M. Tran Dai Quang, ministre de la Sécurité publique, préside également le Comité national pour la lutte contre le sida, la drogue et la prostitution. Selon les chiffres officiels, près de 300 000 Vietnamiens (soit 0,5 % de la population) sont aujourd'hui porteurs du virus du VIH, essentiellement parmi les groupes à risques, en particulier drogués, prostitué(e) s et homosexuels. Les villes les plus touchées sont Hô Chi Minh-Ville, suivie de Haiphong et Hanoi. La drogue, à travers la pratique du partage des seringues, est l'un des principaux vecteurs de transmission du virus du sida au Viêt Nam. Les prostituées et les toxicomanes représenteraient environ 80 % des porteurs du VIH.
Selon plusieurs experts du pays et de l'étranger, les statistiques officielles sont encore sous-estimées, notamment au regard du développement de la prostitution et de la toxicomanie.
Fin 2012, un article de presse (" VIH/sida : réduire au minimum les nouveaux porteurs, une priorité pour le Vietnam ", Le Courrier du Viêt Nam, 6 décembre 2012) indiquait que " ces quatre dernières années, le taux de nouvelles contaminations par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Vietnam a (vait) baissé de manière continue ". Concernant la situation à Hanoi, le même article indiquait : " Fin septembre 2012, on compte plus de 20 000 séropositifs à Hanoi dont 5 236 sidéens. Selon le Service municipal de la santé, il s'agit essentiellement d'hommes de 20 à 39 ans. Selon les estimations, en 2020, ils seront 34 350. La prévention et la lutte contre le VIH/sida ainsi que le traitement des malades constituent de difficiles problèmes. Sur le court terme, la limitation maximale des contaminations est une priorité pour Hanoi ".
20 ans de prison, réclusion à perpétuité ou peine de mort pour trafic important et détention de grosses quantités : 100 g d'héroïne ou de cocaïne, 5 kg d'opium ou de cannabis, 300 g ou 750 ml d'une autre drogue de synthèse (art. 194).
De 2 à 15 ans pour " petite revente " et possession en petites quantités.
En 2000, pour ce type de délit, 85 peines de mort ont été exécutées, 55 en 2001 et 24 en 2002 (chiffre à la fin du mois d'octobre). En mai 2003, un Français de 34 ans a été condamné par le tribunal populaire de Hô Chi Minh-Ville à 20 ans de prison ferme et à une amende de 100 millions de VND pour trafic de drogue. Selon l'acte d'accusation du parquet populaire suprême, il avait été arrêté le 26 octobre 2002 à l'aéroport de Tan Son Nhat en possession de 317,7 g d'héroïne qu'il avait achetés en Thaïlande. En août 2003, après avoir fait appel de ce premier jugement, il a été condamné à la réclusion à perpétuité. En janvier 2004, un décret a été adopté qui classifie les statistiques concernant la peine de mort comme " secret d'Etat ". En janvier 2005, la radio vietnamienne annonçait la condamnation à mort d'un Australien, accusé de trafic de drogue. En octobre 2010, la presse vietnamienne rendait compte de deux condamnations à mort prononcées dans une affaire de trafic de drogue (7 kg d'héroïne et 192 tablettes de métamphétamines). Le 25 décembre 2010, le tribunal de la province de Quang Ninh prononçait cinq condamnations à mort contre des ressortissants chinois dans une affaire concernant le trafic de 8 tonnes de marijuana originaires de Hong Kong et transitant par le Viêt Nam à destination du Canada. Le 11 juillet 2013, le tribunal populaire de Haiphong prononçait quatre condamnations à mort contre des trafiquants d'héroïne.
Pagode Tran Quoc.
Creuset des influences venues de Chine et d'Inde, le Viêt Nam est un pays où se pratiquent des cultes extrêmement divers que les années de communisme n'ont pu étouffer.
Très ouverts aux divers courants spirituels, les Vietnamiens sont assez naturellement oecuméniques, introduisant dans leur panthéon religieux des éléments aussi divers que le Soleil et la Lune, Bouddha et Jésus, mais aussi les souffles vitaux, les ancêtres, Victor Hugo ou Hô Chi Minh... Cela dit, les cultes les plus anciens forment la base commune qui donne sa connotation spécifique à la pensée vietnamienne. Il faut citer en premier lieu le culte de la nature qui replace l'homme dans un contexte cosmique dont il est à la fois le reflet, le maître et l'humble serviteur. Les pratiques animistes, le culte des pierres, des collines et des arbres constituent le fonds originel de la religion populaire vietnamienne.
Pour ce qui est de la vie religieuse, il faut savoir qu'elle est toujours sous haute surveillance au Viêt Nam même si on assiste ces dernières années à une certaine ouverture. Tous les grands cultes sont représentés à Hanoi : bouddhisme (la majorité des habitants) mais aussi catholiques et quelques protestants. Il existe même une mosquée essentiellement fréquentée par les diplomates des ambassades de pays musulmans.
Fondé sur le grand respect dû aux aînés et aux personnes âgées et sur l'importance donnée à l'hospitalité, il représente en fait la croyance fondamentale des Vietnamiens. Le chef de famille, responsable exclusif du culte des ancêtres, a sur les siens une autorité de fait et des droits de tutelle très étendus. À sa mort, le premier fils reprend le flambeau. Le respect de ce culte est capital. En effet, l'âme, après la disparition du corps, entreprend un long voyage vers le domaine des cieux, séjour des immortels, d'où elle pourra occasionnellement redescendre pour porter secours à la famille. Les âmes errantes ont besoin des hommages, des prières et des offrandes des vivants pour sortir triomphantes de ces migrations et déjouer les pièges que leur tendent les esprits malfaisants. Chaque habitation dispose d'un autel des ancêtres (ban tho). On y trouve les photographies des défunts, des tablettes funéraires où siège l'âme des disparus, des chandeliers, des offrandes, fruits et fleurs, et quelques baguettes d'encens.
Pour les Vietnamiens, la peur des âmes errantes, dont les tombes auraient été souillées ou dont les champs auraient été négligés, est une éventualité du quotidien. Pour s'en prémunir, ils doivent demander la protection de nombreux génies. Chaque village en possède un ou plusieurs, logés dans des espaces consacrés ou dans des temples qui leur sont dédiés.
Il y a le génie du vent, celui des moissons, du mariage, de la fertilité, et tous les génies malfaisants... Dans les maisons, l'autel de " la triade domestique ", chargé d'offrandes, honore le génie du foyer, le génie du sol et la déesse de la terre.
Les génies ne demeurent pas dans les maisons ou temples en permanence, leur effigie n'y est présente qu'au moment des fêtes et des cérémonies importantes.
Le reste du temps, ils vivent en solitaires dans des sortes de petites niches de pierre, à l'extérieur de la maison ou à la sortie des villages. Les jours de fête, on les porte en cortège jusqu'au village, parés de leurs plus beaux atours.
À Hanoi, quatre temples (Thang Long tu tran) ont un statut particulier du fait qu'ils sont dédiés aux génies-gardiens de la capitale. Ce sont les temples de Quan Thanh (quartier du lac de l'Ouest), de Kim Lien (Sites excentrés), de Bach Ma (Vieux quartier) et de Voi Phuc (Sites excentrés).
Le temple de Quan Thanh honore Huyen Thien Tran Vu, le génie-gardien du Nord.
Le temple de Kim Lien est dédié au génie Cao Son, le génie-gardien du Sud.
Le temple de Bach Ma honore le génie Long Do, le génie-gardien de l'Est.
Le temple de Voi Phuc honore le prince Linh Lang, fils du roi Ly Thanh Tông, génie-gardien de l'Ouest.
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