Leitfaden Afghanistan : Politique et économie
L'Afghanistan est une république islamique. Au XXe siècle, le pays a connu bon nombre de régimes : monarchie, république soviétique, régime taliban et, enfin, démocratie.
Aujourd'hui, il s'agit d'un régime présidentiel, mais avec un contrôle parlementaire significatif. Les dernières élections présidentielles, contestées, ont eu lieu en 2009. Elles ont reconduit le Pachtoune Hamid Karzaï au pouvoir, pour un nouveau mandat de cinq ans.
La Constitution actuelle a été établie en 2004 par l'Assemblée nationale afghane. Depuis fin 2001, les troupes de l'OTAN combattent aux côtés de l'armée afghane afin de repousser les talibans et l'aide internationale afflue. A noter : l'ingérence de la communauté internationale dans la politique afghane actuelle. Dans tous les ministères, des missions étrangères sont présentes pour appuyer la reconstruction de l'Etat. Par ailleurs, les " commandeurs " locaux ont encore un pouvoir politique non négligeable. Les " warlords " (les seigneurs de la guerre) exercent une influence parfois considérable dans leurs provinces. Des milices afghanes, souvent financées par les forces spéciales américaines pour combattre les talibans, constituent un autre contre-pouvoir potentiel.
Le pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif est fort. La branche exécutive du pouvoir afghan est divisée entre le Bureau du président, les deux vice-présidents, le procureur général et les ministres du gouvernement, ainsi que d'autres corps indépendants et des agences du gouvernement central. La composition politique du gouvernement est très fragmentée et le président Karzaï n'appartient à aucun parti politique.
Le président est élu au suffrage universel direct par bulletin secret, pour 5 ans, et peut servir au maximum deux mandats. Les candidats à la présidence nomment leurs deux vice-présidents. Le président est élu à la majorité absolue. Si aucun candidat n'a au moins 50 % des votes, une autre élection est organisée entre les deux candidats qui ont reçu le plus de voix.
Le président assume plusieurs fonctions : il est le chef de l'Etat, le président du Cabinet et le commandant en chef des forces armées. Il nomme ses ministres, le procureur général, le président de la Da Afghanistan Bank (la banque centrale), les membres de la Cour suprême et certains autres postes, avec l'approbation de la Wolesi Jirga (Chambre basse, équivalent de notre Assemblée nationale).
Parmi les 25 ministères, notons l'existence d'un ministère du Hadj (pèlerinage) et des Affaires islamiques, un pour les affaires des femmes, un pour la lutte contre les stupéfiants et un pour les affaires ethniques, tribales et frontalières.
Le pouvoir législatif. L'islam est source de la loi. Comme convenu dans la Constitution de 2004, l'Assemblée nationale, plus communément appelée le Parlement, est divisée en deux Chambres : la Meshrano Jirga (Sénat) et la Wolesi Jirga (Chambre du peuple). La nouvelle Assemblée nationale a été inaugurée en décembre 2005, juste après les élections législatives de septembre, dans un climat de terreur. Bon nombre de parlementaires n'appartiennent à aucun parti politique.
Les membres de la Wolesi Jirga sont élus pour cinq ans, au suffrage universel direct, à bulletin secret dans les provinces. Il y a normalement 249 sièges, mais la Constitution stipule que le maximum de sièges est de 250. Les sièges sont distribués en fonction de la population de chaque province. 65 sièges sont réservés aux femmes et 10 aux Kouchis (tribu nomade), dont 3 vont aux femmes kouchis. Selon la Constitution, cette Chambre ne peut être dissoute. En 2012, le président de la Wolesi Jirga était Abdul Raouf Ibrahimi. Le dernier renouvellement de la Chambre remonte au 18 septembre 2010.
La Meshrano Jirga compte 102 membres. Selon la Constitution, les membres de ce " Conseil des anciens " sont nommés et élus :
- parmi les membres de chaque conseil provincial, les conseils respectifs élisent une personne pour une période de 3 ans ;
- parmi les conseils de district de chaque province, les conseils respectifs élisent une personne pour 3 ans ;
- le président nomme, parmi des experts et des personnalités expérimentées, le reste des membres (un tiers) pour une période de 5 ans. Parmi ces personnes, le président doit nommer 50 % de femmes.
En 2012, le président de cette assemblée était Fazal Hadi Muselimyar et la Meshrano comptait 28 femmes. Son dernier renouvellement remonte au 22 janvier 2011.
Les membres du Parlement doivent être de nationalité afghane, avoir au moins 25 ans pour une candidature à la Wolesi et au moins 35 ans pour la Meshrano. Il est impossible d'être membre des deux Chambres en même temps. Il n'existe pas d'immunité parlementaire pour les crimes.
Le Parlement convoque deux sessions par an. Les sessions sont ouvertes, sauf si le président de l'Assemblée ou au moins 10 de ses membres demandent le secret.
Le Parlement peut :
- ratifier, modifier, abroger des lois ou des décrets législatifs ;
- approuver des plans économiques, sociaux, culturels ou de développement technologique ;
- approuver le budget de l'Etat ;
- créer, modifier ou abroger des unités administratives ;
- ratifier des traités internationaux ou annuler l'adhésion de l'Afghanistan à un traité.
Les législations peuvent être suggérées par le président, des ministères ou l'Assemblée nationale, et devenir une loi après le passage en commission dans les deux Chambres. Elles sont ensuite validées par le président (s'il n'est pas d'accord, il peut renvoyer le texte de la loi) et approuvées par les deux Chambres du Parlement.
La Loya Jirga, qui signifie en pachtou la " Grande Assemblée " ou " Grande Réunion ", est convoquée à des occasions exceptionnelles pour décider des grandes orientations du pays. A l'origine, les membres de cette assemblée étaient surtout des chefs de tribu et les patriarches de grandes familles. Aujourd'hui, d'autres personnes ont pu l'intégrer. Les décisions sont prises par consensus et non par vote. Cette assemblée regroupe environ 2 030 membres. Le rôle de la Loya Jirga est de résoudre des problèmes, d'appliquer des décisions et de maintenir l'ordre. En 2011, elle a par exemple été réunie par le président Karzaï pour discuter du parteneriat stratégique entre Kaboul et Washington (finalement signé en mai 2012).
Le pouvoir judiciaire. Il y a trois institutions permanentes judicaires : la Cour suprême, le procureur général et les tribunaux. Le secteur de la justice est lourdement divisé et les relations entre les diverses institutions sont tendues. Une réforme du système est en cours. Le pouvoir judiciaire est indépendant de l'Etat.
La Cour suprême compte neuf membres nommés pour dix ans par le président, avec approbation de la Wolesi Jirga. Le président choisit un des membres qui sera chef de la justice. Leur rôle est de réviser les lois, les décrets et les traités internationaux, pour s'assurer qu'ils sont conformes à la Constitution. Les membres de la Cour suprême se réunissent au moins une fois tous les quinze jours. Il faut la présence de 6 membres au minimum. La Cour suprême est divisée en 4 départements (dewan) : criminel, sécurité nationale/publique, problèmes familiaux et civils, et commercial. Le procureur général est un corps indépendant qui fait partie de la branche exécutive. Il est responsable des investigations et des poursuites judiciaires.
Il y a des cours d'appel dans chaque province. Dans chacune, il y a 6 départements : criminel, sécurité publique, civil et familial, droit public, commercial, jeunesse. Et chacun des départements ne compte pas plus de 6 membres. La cour d'appel supervise les décisions des tribunaux et a le pouvoir de les annuler, de les amender et de les corriger. Les cours d'appel sont aussi responsables des décisions en cas de conflits de juridiction.
Dans chaque province, plusieurs tribunaux traitent de domaines juridiques spécifiques : tribunaux provinciaux centraux, tribunaux pour mineurs, tribunaux commerciaux, tribunaux pour les problèmes familiaux et tribunaux de districts, ces derniers étant établis au niveau local. Tous les cas criminels et civils doivent d'abord être résolus par le tribunal approprié. En cas de plainte concernant la manière dont un cas a été jugé, le dossier va en cour d'appel qui peut en référer à la Cour suprême. Il est très fréquent que les procès aillent en appel.
Le découpage administratif. Il y a 34 provinces en Afghanistan, dont les gouverneurs sont nommés par le président. Les provinces sont divisées en districts (364 au total). Chaque province compte entre quatre et vingt-sept districts et a une capitale. En théorie, le pouvoir central est détenu par Kaboul, qui décide des responsabilités et des pouvoirs des provinces et des districts. Dans les faits, il en va tout autrement, car certaines provinces jouissent d'une autonomie, et la Constitution permet d'ailleurs une décentralisation des pouvoirs. Le gouvernement, même s'il se doit de préserver le principe du centralisme, doit déléguer certaines autorités aux administrations locales. Par exemple, tout ce qui touche aux affaires économiques, sociales ou culturelles. Il doit aussi encourager la participation du peuple à la reconstruction du pays. En revanche, c'est au ministère de l'Intérieur d'approuver les budgets des municipalités. Un conseil est formé dans chaque province, ses membres sont élus tout comme pour les conseils de districts ou de villages. L'existence de ces conseils est inscrite dans la Constitution, mais leurs rôles ne sont toutefois pas toujours très clairs ni coordonnés.
Les 34 provinces du pays sont les unités basiques des administrations locales. Au niveau de la province, le chef exécutif est le gouverneur, nommé par le président. Dans les faits, chaque province a des branches des ministères. Certaines vivent de taxes frontalières qu'elles ne remettent pas forcément au gouvernement. Il n'y a pas d'entreprises provinciales, seulement d'Etat. Certains gouverneurs ont de gros pouvoirs, si bien qu'ils arrivent à combiner pouvoirs militaire et civil. Ajoutons à cela quelques autres, anciens chefs de guerre, qui n'ont pas de place dans le gouvernement, mais qui parviennent à exercer un pouvoir local avec leurs propres milices.
Les chouras ou les jirgas (assemblés de chefs de village ou de tribu) n'ont pas de pouvoirs formels, mais exercent une influence notable sur les acteurs politiques locaux. La choura fait partie de la structure politique de l'Afghanistan, surtout dans les districts et les villages.
Les 34 conseils de province ont entre 9 et 29 membres, cela dépend de la taille de la province en termes de population. Les candidats doivent résider dans la province dans laquelle ils se présentent. Un quart des sièges est réservé aux femmes. Le rôle du conseil provincial n'est pas très clair. Mais, en général, les membres doivent être élus à la majorité, participer au développement de la province et à l'amélioration des affaires administratives, conseiller et coopérer avec les administrations provinciales sur divers problèmes.
Le système électoral. En Afghanistan, le suffrage est universel pour les hommes et les femmes de 18 ans et plus. La première élection présidentielle d'après-guerre a eu lieu en 2004, la seconde en 2009. Pour les élections législatives, la Constitution stipule que les sièges sont donnés en fonction de la taille de la population dans chaque province. Ce qui reste assez difficile puisque les recensements ne sont absolument pas à jour. Le dernier date de 1979 ! Les provinces qui ont le plus de sièges sont celles de Kaboul, de Ghazni, de Hérât, de Balkh et de Nangarhar.
Le système politique afghan est fondé sur le multipartisme. Il existe une bonne vingtaine de partis politiques enregistrés. Cependant, ils souffrent d'un sérieux problème d'image. La plupart ont été créés suite à l'invasion soviétique et sont issus de la résistance afghane ou bien associés à des groupes islamistes. De nombreux Afghans n'ont pas confiance en ces partis, qu'ils voient comme des groupes recherchant leurs propres intérêts ou protégeant les intérêts de leurs groupes ethniques.
Les partis politiques sont souvent associés à des milices, qui agissent parfois en toute impunité. Chaque parti a sa propre garde rapprochée, même si la Constitution les interdit.
Lors des dernières élections, très peu de candidats ont indiqué leur appartenance à des partis politiques. Les partis doivent être recensés au ministère de la Justice et sont acceptés s'ils répondent à différents critères. Par exemple, pour être reconnu, un parti politique doit compter au moins 700 membres. Voici quelques partis politiques influents en Afghanistan. Ils sont souvent basés sur des critères ethniques et n'ont que rarement des programmes bien définis.
Le Front national uni. Créé le 2 novembre 2006, le Front est une coalition d'anciens hommes forts du pays, la plupart d'ex-commandants de la résistance afghane contre les Soviétiques. Onze partis politiques s'y sont greffés. On y trouve divers groupes sociaux et ethniques : pachtounes, hazaras, tadjiks, ouzbeks. C'est la principale force d'opposition au gouvernement Karzaï. Ce parti regroupe plusieurs courants antagonistes, comme des anciens résistants, des partisans du régime soviétique, des royalistes, beaucoup d'anciens partisans de Massoud et de l'Alliance du Nord. Ce parti promeut l'établissement d'un régime parlementaire et l'élection directe des gouverneurs. Il a condamné, en mai 2012, le partenariat stratégique signé entre Kaboul et Washington.
Les deux Hezb-e-Islami. Parti islamique, dirigé par Gulbuddin Hekmatyar, l'un des hommes les plus recherchés au monde (notamment par les Etats-Unis). Il appartient à la tendance dure de l'islam. Le projet d'Etat est fondé sur une stricte observance de la religion. Il regroupe surtout des Pachtounes du Nord-Est.
Un autre parti portant le même nom fut dirigé par Younous Khalès (mort en 2006). Ce dernier était d'abord un fidèle d'Hekmatyar qui fit sécession et fonda son propre groupe. Cette faction, considérée comme fondamentaliste, est surtout implantée à l'est. Certains de ses membres ont quitté le parti pour rejoindre les talibans. Khalès avait appelé ses troupes à rejoindre le djihad contre les soldats étrangers et le gouvernement Karzaï.
Le Hezb-e-Wahdat. Coalition de partis chiites formés peu après le départ des troupes soviétiques, ce parti a été créé à la demande de Téhéran, qui souhaitait unifier ses appuis chiites en Afghanistan face aux partis sunnites soutenus par le Pakistan. Il a été dirigé par Karim Khalili, vice-président en 2008. Il regroupe essentiellement des Hazaras.
Plusieurs anciens leaders de la résistance ont fondé leur propre parti, comme le frère d'Ahmad Shah Massoud (Hezb-e-Nahzat), l'ancien président Mojadeddi (Jabba-e-Melli), Abdul Rachid Dostom (le Jumbesh, parti ouzbek).
Ce sera une élection présidentielle déterminante pour l'Afghanistan. Au printemps 2014, alors que le retrait des militaires de l'OTAN sera déjà bien engagé, le président Hamid Karzaï, premier président de l'après-talibans, laissera son poste.
Les élections pourraient même avoir lieu dès 2013 si l'on en croit certains politologues. Ces derniers expliquent que le président pourrait appeler à un scrutin anticipé, pour qu'il se déroule sous la sécurité des forces internationales. Cela lui permettrait aussi de soutenir son propre candidat et de ne pas donner le temps à ses adversaires politiques de faire campagne. Et ce, alors que les partis politiques afghans ne sont déjà pas très expérimentés ni appréciés par la population.
Beaucoup, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Afghanistan, estiment qu'Hamid Karzaï n'a pas fait assez pour assurer la survie du système politique après lui. " Il n'a, par exemple, pas encouragé l'émergence d'une nouvelle génération d'hommes politiques en Afghanistan ", regrette Hamidullah Farooqi, le porte-parole du Parti pour la vérité et la justice. Hamid Karzaï pourrait aussi tirer un avantage de la faiblesse du système politique pour s'assurer un maintien au pouvoir les années qui viennent, même après avoir quitté la présidence.
Mi-2012, ils sont seulement deux à s'être portés candidats pour la prochaine présidentielle : Ali Ahmad Jalali, ancien ministre de l'Intérieur de l'administration Karzaï, et Fawzia Koofi, députée et seule vice-présidente du Parlement. Parmi les candidats potentiels : Abdullah Abdullah, le leader de l'opposition, et plusieurs anciens autres membres du gouvernement.
Depuis fin 2001, la politique internationale de l'Afghanistan est marquée par un très fort engagement occidental dans le pays. Sa reconstruction est accompagnée par la Mission des Nations unies UNAMA (Mission d'assistance en Afghanistan des Nations unies).
Les militaires étrangers déployés en Afghanistan sous les couleurs de l'OTAN sont appelés à quitter le pays en 2014. Si l'on en croit les partenariats signés par le président Karzaï et Berlin, Londres, Paris ou encore les Etats-Unis, plusieurs milliers de soldats en tout devraient rester en Afghanistan après le retrait des troupes combattantes, pour poursuivre la formation des forces afghanes.
Le retrait des troupes de la coalition. Fin 2012 pour les Français, fin 2014 pour le reste de la coalition, les troupes de l'OTAN auront bientôt quitté l'Afghanistan. Barack Obama l'a affirmé lundi 21 mai au sommet de l'Otan à Chicago : les Afghans " ne seront pas abandonnés ", malgré " des jours difficiles " quand les quelque 130 000 soldats de l'Alliance auront quitté le pays. Pourtant, l'avenir s'annonce très dangereux, estiment diplomates et experts. La transition de la sécurité aux Afghans est pourtant amorcée depuis longtemps : en 2012, le président Hamid Karzaï a annoncé que l'armée afghane assurait déjà la sécurité de 75 % de la population en Afghanistan. Elle contrôlait à cette époque 260 districts dans les 34 provinces que compte le pays. Parmi ces dernières, on trouve des provinces très difficiles, comme la Kapisa, où étaient encore positionnés plusieurs milliers de soldats français en 2012. Le chef de la police locale recensait plus de 25 groupes de combattants dans cette seule province.
Les forces de sécurité afghanes sont-elles prêtes à prendre le relai ? Difficile de répondre avec certitude. L'OTAN se dit confiant, mais certains généraux étrangers avancent que les Afghans sont encore très dépendants des forces de la coalition. Même le président Karzaï présente une image désenchantée de son pays, en soulignant la recrudescence des attaques. L'aide internationale sera cruciale. Pas moins de 4,1 milliards de dollars par an pendant dix ans seront nécessaires pour appuyer l'armée et la police afghanes. C'est dans ce contexte compliqué qu'interviendra l'élection présidentielle de 2014, à l'issue de laquelle le président Hamid Karzaï devra laisser sa place.
Les négociations avec les talibans. Les observateurs s'accordent pour dire qu'un jour où l'autre il faudra que les différentes factions qui s'affrontent en Afghanistan (talibans, milices, forces gouvernementales) parviennent à se réconcilier. Et le gouvernement Karzaï en est conscient. Tant que les talibans continueront à mener une guérilla contre le gouvernement actuel et les forces étrangères, l'Afghanistan ne connaîtra pas de stabilité. En 2007, Hamid Karzaï a plusieurs fois tendu la main aux chefs talibans. Il se disait prêt à donner des postes gouvernementaux aux insurgés, en échange de quoi ils rendraient les armes. Réponse des talibans : " aucune négociation n'est possible tant que les forces étrangères seront présentes sur le territoire afghan ".
Il semble que le ton ait changé. Début 2012, les talibans annoncent leur intention d'ouvrir un bureau au Qatar pour discuter avec les Etats-Unis. Ces prémices de pourparlers sont une première en dix ans de conflit et le gouvernement afghan ne cache pas sa crainte d'en être exclu. Le processus de dialogue apparaît très laborieux, faute d'accord sur les conditions de départ des discussions et les premiers contacts diplomatiques n'empêchent pas les deux parties de continuer à s'affronter sur le terrain.
De nombreux Afghans, à Kaboul notamment, se disent prêts à ce que les talibans reprennent une partie du pouvoir : déjà, car " ce sont des enfants du pays qui ont le droit de rentrer chez eux ", mais aussi parce que " la paix n'est pas possible sans eux ". Les Afghans, les femmes surtout, se demandent néanmoins si elles devront dire adieu à leurs droits, difficilement acquis depuis 2001. Les talibans affirment avoir changé. Pourtant, des dizaines d'établissements accueillant des filles ont été attaqués en 2011 et 2012, dans les provinces où les insurgés bénéficient d'une forte assise.
Le poids des anciens chefs de guerre. Le pouvoir des anciens chefs de guerre, ou moudjahidines, est encore extrêmement important. Beaucoup font fi de Kaboul et agissent impunément. L'exemple du général Dostom est à cet égard éloquent. Dans son fief de Sheberghan, il impose sa propre loi et règne selon ses humeurs. En février 2008, furieux de voir l'un de ses anciens alliés fonder son propre parti politique, il se rend au domicile de ce chef turkmène, frappe violemment sa femme et son fils et enlève le chef lui-même. La police réussit finalement à obtenir la libération de cet homme, mais Dostom n'est pas arrêté immédiatement. Il faut attendre plusieurs jours pour que le procureur général demande à entendre Dostom sur cette histoire ! Dans certaines provinces, les règlements de compte entre chefs locaux sont fréquents. Les milices sont parfois plus puissantes que la police. Celles liées au général Dostom sont d'ailleurs accusées par le gouvernement afghan de mettre à mal les explorations pétrolières d'une compagnie chinoise dans le Nord-Ouest. D'autres milices, créées et armées par les services secrets américains pour aider à sécuriser des zones très instables du pays, représentent elles-aussi de véritables contre-pouvoirs.
La corruption. La corruption est sans doute l'un des tout premiers obstacles à la construction de l'Etat afghan. Selon l'ONG Transparency international, l'Afghanistan serait le deuxième pays le plus corrompu au monde, ex-aequo avec la Birmanie. De la police aux ministres, elle n'épargne aucun milieu et gangrène totalement le système politique. En Afghanistan, on " achète " les policiers très facilement. Dans les ministères, et à toutes les échelles, les hommes sont adeptes du bakchich. Certains membres du gouvernement trempent dans le trafic de drogue.
L'Afghanistan s'est par ailleurs transformé en narco-Etat. Le pays produit 90 % de la production mondiale de pavot. Le trafic d'opium est aujourd'hui la première source de revenus pour de nombreux Afghans. Des mesures d'éradication et de substitution sont proposées par la Communauté internationale. Mais pour un paysan afghan, la culture du pavot reste de loin la plus lucrative des occupations.
Le cas des réfugiés et des déplacés. C'est l'Afghanistan qui engendre le plus grand nombre de réfugiés au monde : ils sont environ 2,7 millions à avoir obtenu ce statut. En 2011, selon le Haut Commissariat aux réfugiés des Nation Unies (HCR) les Afghans figuraient encore en tête des requêtes avec 35 700 demandeurs d'asile. Mais ce chiffre n'est que le haut de l'iceberg. Plus généralement, l'ONU estime qu'au moins un tiers de la population afghane a connu une situation de déplacement, dans le pays ou à l'étranger. Il y a plusieurs raisons à cela : les conflits armés, les catastrophes naturelles et le manque d'opportunités économiques. Depuis 2002, plusieurs millions d'Afghans sont rentrés au pays en tablant sur la reprise économique. Mais au moins 5 millions résident toujours, légalement ou non, en Iran et au Pakistan, " l'une des plus longues situations de déplacement au monde " selon le HCR. Près de 500 000 personnes ont aussi été déplacés au sein même du pays, par exemple des populations la région d'Hérât déplacées dans des camps sur les hauteurs de Kaboul. C'était le cas pour 185 000 personnes, rien qu'en 2011. L'ONU appelle le gouvernement afghan à trouver rapidement une solution pour ces millions de personnes en difficulté.
Les Français se retireront en 2012, donc bien plus tôt que leurs alliés de l'OTAN. C'était l'une des promesses de campagne du président François Hollande, appliquée peu après son élection. Il s'agit d'une nouvelle accélération du retrait français, déjà anticipé par le président Nicolas Sarkozy. D'ici fin 2012, 1 550 soldats français devraient pourtant rester en Afghanistan, car il était difficile d'un point de vue logistique, d'évacuer tous les hommes et surtout tout le matériel en si peu de temps. Ces hommes seront chargés de s'occuper des opérations de désengagement : concrètement, il s'agit de ramener en France la quasi-totalité du matériel (hélicoptères, armes, véhicules) engagé dans le conflit. Le processus de désengagement est notamment rendu compliqué par la fermeture, par Islamabad, des routes reliant l'Afghanistan au Pakistan (en réponse à une bavure de l'OTAN en novembre 2011).
Au second semestre 2013, les soldats français ne seront plus que 400, affectés aux centres de formations de l'armée afghane, à l'hôpital de l'aéroport de Kaboul, à l'état-major ou intégrés à l'ISAF (force de l'OTAN en Afghanistan). Le Collectif des ONG françaises travaillant en Afghanistan craint que ce retrait ne détourne l'attention du pays.
L'affaire a fait grand bruit, en Afghanistan comme à l'étranger. Et pour cause : il s'agit de la plus grande banque privée du pays et le scandale implique le frère du président ! Le Fonds Monétaire International (FMI) avait décidé de suspendre son aide au pays pendant plusieurs mois.
C'est en 2010 qu'un trou de 900 millions de dollars a été découvert dans les caisses de la Kabul Bank. Il correspondait à des prêts que plusieurs administrateurs de la Kabul Bank se seraient octroyés sans jamais les rembourser : parmi eux, Mahmoud Karzaï, le frère du président afghan. En tout, 35 personnes sont soupçonnées d'avoir trempé dans cette affaire. Difficile de les juger, car près de la moitié vivent à l'étranger. Le frère du président Karzaï aurait pour sa part remboursé ses dettes. Mais pour le moment, il détient toujours des parts de la banque.
La gestion de celle-ci avait été confiée à la Banque centrale d'Afghanistan. Elle devait être revendue au secteur privée courant 2012.
Toutes les ethnies afghanes sont plus ou moins liées à un pays frontalier, chacune a sa " prolongation " à l'étranger. Ainsi, l'Iran entretiendrait des relations avec les Hazaras chiites, l'Ouzbékistan avec les Ouzbeks, le Tadjikistan avec les Tadjiks, le Pakistan avec les Pachtounes. Cela ne facilite pas le processus de réconciliation nationale.
Un accord sur les relations de bon voisinage a été signé le 22 décembre 2002, à Kaboul, entre six pays limitrophes. L'Afghanistan a établi de nombreux liens avec ses voisins pour lutter contre le trafic de drogue et le terrorisme. Le pays fait aussi partie de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), de l'Organisation de coopération économique (Iran, Pakistan, Turquie, Azerbaïdjan, républiques d'Asie centrale) et souhaite devenir membre de l'OMC.
L'Iran investit beaucoup dans la région ouest de l'Afghanistan et, depuis quelques années, Kaboul développe aussi des relations plus profondes avec la Chine. Les relations avec le Pakistan ne sont en revanche pas au beau fixe. Kaboul accuse règulièrement Islamabad et ses services secrets de soutenir les talibans afghans. Différents rapports de l'OTAN indiquent que des cadres de l'ancien régime se cachent dans les zones tribales pakistanaises, notamment au Nord-Waziristan, une région frontalière avec l'Afghanistan. Le Pakistan, de son côté, nie jouer un double-jeu.
L'Afghanistan est l'un des pays les plus pauvres du monde (dans les 15 derniers au classement mondial du PNB par habitant en 2011). 36 % de la population (9 millions d'Afghans) vivent sous le seuil de pauvreté selon un rapport de la Banque mondiale de novembre 2011. Les années de guerre et d'instabilité ont laissé le pays en ruine et, aujourd'hui encore, très dépendant de l'aide internationale. L'espérance de vie d'un Afghan à la naissance est de 48 ans. La population fait face à l'insécurité croissante, au chômage, à de mauvaises conditions sanitaires, à la faiblesse des infrastructures de base (santé, eau, électricité). Le PIB par habitant était de 515 dollars en 2010 (598 dollars estimés en 2011) bien que le pays ait connu des taux de croissance élevés ces dernières années, nourris par la reconstruction (12,1 % en 2007, 20,9 % en 2009, mais 7,1 % en 2011). En 2012, le FMI prévoit une croissance autour de 6 %. Si ce taux se maintenait, il faudrait tout de même une génération à l'Afghanistan pour doubler son PIB par habitant, selon la Banque mondiale. Et en raison de la mauvaise gestion de l'économie afghane, l'organisation table plutôt sur une croissance annuelle moins importante, de l'ordre de 4,9 % d'ici à 2025.
La stabilisation de la monnaie a été effectuée, fin 2002, avec la mise en place du nouvel afghani, dont le cours, par rapport au dollar, a tendance à se déprécier. L'inflation (+13,3 % en moyenne annuelle entre 2009/2010 et 2010/2011) est importante. L' Afghanistan est un pays essentiellement agricole. Toutefois des secteurs comme la téléphonie mobile ou le bâtiment sont en pleine expansion. Quant à l'artisanat, dont la place était autrefois importante, il a tendance à disparaître.
Une économie essentiellement agraire. L'Afghanistan est une nation de paysans : environ 75 % de la population se consacrent à l'agriculture et à l'élevage. L'agriculture représente 28,5 % du PIB. Elle est fondée sur la culture fruitière, céréalière et l'élevage. Mais sur les 63 millions d'hectares, seulement 12 % sont cultivables. Les rendements sont faibles, principalement à cause de la rareté de l'eau, et la sécheresse a porté un coup sévère aux cultures. L'autosuffisance alimentaire n'existe donc plus et le gouvernement a dû importer pour faire face à l'effondrement de la production. L'agriculture est aussi un secteur sinistré par la guerre : champs minés, systèmes d'irrigation détruits. Les agriculteurs ont très peu de matériels modernes. Il est rare de voir des tracteurs. Le labour se fait souvent avec des boeufs, notamment dans les régions montagneuses.
Les terres cultivées se divisent en deux catégories : les zones irriguées (l'abi) et les zones de culture sèche (lalmi). Le rendement des terres irriguées est de trois ou quatre fois supérieur aux autres.
Les zones de culture sèche dépendent, elles, des pluies. En général, cette agriculture est pratiquée dans le Nord du pays.
Les principaux produits cultivés sont le blé, la betterave, le coton, l'orge, le riz, le maïs, la canne à sucre (à l'est, Jalalabad) et les fruits. Le blé assure l'alimentation de la famille. Les rendements restent faibles, car les méthodes de culture utilisées sont encore archaïques (manque d'engrais, mauvaises semences). Quant aux cultures fruitières, elles ont un rôle considérable dans l'économie des villages. Pommiers, poiriers, pruniers, grenadiers, abricotiers, pêchers, figuiers, noyers, mûriers (pour l'élevage des vers à soie), les fruits secs sont exportés ainsi que la grenade. Les Afghans produisent également des fruits secs et de la vigne, dans le Sud de l'Afghanistan (autrefois, le pays produisait du vin). Dans la région de Baghlan, où l'on produit de la betterave, une raffinerie de sucre a été ouverte.
Le principal élevage de bêtes est celui du mouton, à la fois pour l'alimentation, mais aussi pour la fabrication de laine. Les Afghans élèvent aussi des chèvres, des chevaux, des ânes, des chameaux et de la volaille (beaucoup de poulets dans le sud). L'élevage joue encore un rôle considérable dans l'économie afghane puisqu'il est nécessaire à la survie des familles rurales. Dans la Kounar, le Nouristan et le Logar, certains paysans se sont lancés dans l'élevage d'abeilles pour la fabrication de miel. Les apiculteurs ont des revenus importants, car le miel est un produit de luxe.
Le bois est essentiellement utilisé pour le chauffage et pour les charpentes. Les deux grandes forêts d'Afghanistan se trouvent dans la région de Paktia, au sud, et dans celle du Nouristan, à l'est. Pour le chauffage, on utilise les résineux ; pour la charpente, les peupliers. Mais les forêts ont été surexploitées. Aujourd'hui, la déforestation est alarmante.
Le coton est fortement exploité dans les régions de Kunduz, de Baghlan et de Mazar-e-Charif. On utilise la fibre et le coton-graine pour faire de l'huile et du savon ainsi que du feutre. La production cotonnière a débuté dans les années 1930. Dans les années 1970, la famille Spinzar a ouvert une usine de production de coton, encore en activité aujourd'hui.
Les ressources du sous-sol. Le sous-sol afghan regorge de richesses, mais il est sous-exploité car l'Afghanistan manque de moyens. Gisements d'hydrocarbures et richesses minières ne sont donc pas encore exploités à leur juste valeur. Le secteur minier, considéré comme prometteur par les experts, connaît un lent démarrage. Actuellement, l'Afghanistan importe tout son pétrole et la plupart de son gaz de l'étranger (principalement de ses voisins et de l'Iran) et tente d'être moins dépendant en exploitant ses propres ressources.
Le charbon est extrait dans le Nord du pays, dans la vallée de Kunduz, à Dara-e-Souf. Des gisements de minerais de fer ont été trouvés dans les années 1960, dans la province de Bamiyan, dans le Centre. Mais, à cause des conditions climatiques et du relief hostile, ils restent difficilement exploitables. Le gouvernement veut faire du secteur minier un secteur-clé de l'économie afghane en reconstruction et souhaite attirer les entreprises étrangères. Selon certains experts, ce pays de montagnes recèle encore de nombreuses mines à exploiter. D'autres gisements (plomb, zinc, étain, aluminium) existent, mais n'ont toujours pu être exploités. Ces réserves seraient immenses.
Les gisements de gaz naturel ont été découverts au début des années 1960 et ont été exploités, en 1967, autour de Sheberghan. Selon la Banque mondiale, les réserves de gaz afghan sont de 140 milliards de mètres cubes. Un complexe d'exploitation gazier a été inauguré à Shebergan en mai 2012. Il produira du gaz naturel comprimé pour véhicules, pour la consommation domestique : il sera vendu pour " la moitié du prix du pétrole importé de l'étranger ", selon le ministère des Mines, qui veut développer ce type de complexe sur toute la région du nord-est.
L'Afghanistan doit commencer à extraire son propre pétrole à l'automne 2012, près de sa frontière avec le Tadjikistan. Le principal gisement du pays offre des perspectives plutôt alléchantes : il aurait une capacité de 87 millions de barils (ce qui reste modeste à l'échelle mondiale). La Société pétrolière nationale chinoise (CNPC) attend dans un premier temps 5 000 barils minimum par jour. Mais la production quotidienne pourrait même atteindre 45 000 barils. En partenariat avec la compagnie afghane Watan Oil and Gas, la société chinoise acheminera le pétrole vers des raffineries (en 2012, elles étaient encore en cours de construction). 15 % des revenus de ces deux entreprises extractrices sera taxé et l'Etat récupèrera 70 % des profits du gisement.
Les pierres précieuses et semi-précieuses sont un des trésors d'Afghanistan. Le lapis-lazuli est exploité dans le Badakhshan depuis l'Antiquité. Quant aux émeraudes, on les trouve dans le nord-est du pays (Panjshir), ainsi qu'un peu d'or. L'exploitation de ces mines de pierres précieuses a permis aux moudjahidines de financer une partie de leurs armes pendant la guerre contre les Soviétiques. Aujourd'hui, beaucoup de ces pierres sont exportées au Proche-Orient, en Europe, aux Etats-Unis ou encore au Japon. Une bonne partie est exportée illégalement.
L'essor des télécommunications. C'est l'une des success-stories de l'Afghanistan : l'essor incroyable des télécommunications. Début 2010, plus de la moitié des foyers afghans détenaient au moins un téléphone portable. En revanche, Internet n'est utilisé que par 5 % de la population, principalement dans les grands centres urbains (Kabul, Hérât et Mazar-e-Charif).
Le poids de l'économie informelle. De nombreux Afghans travaillent pour les forces internationales en présence. Ainsi, la présence étrangère crée de nombreux emplois. Que ce soit les armées, les ONG ou les Nations unies, toutes les organisations embauchent des assistants dans divers domaines : des interprètes, des chauffeurs, des cuisiniers, du personnel de maison. On ignore combien de poste exactement ont été créés par la présence étrangère. Les divers trafics, d'armes, de drogues, d'antiquités ou encore de pierres précieuses, font partie de l'économie souterraine du pays. Beaucoup d'armes y sont en circulation. D'une part, celles qui ont été fournies pendant la guerre pour la résistance contre les Soviétiques ; d'autre part, depuis 2001, plusieurs sociétés de sécurité privées (interdites depuis 2012) se sont installées en Afghanistan et certaines sont accusées d'avoir participé à des ventes d'armes illicites. Le trafic d'antiquités profite également à beaucoup. Pendant la guerre, des sites archéologiques ont été pillés et les trésors trouvés vendus au Pakistan ou à l'Iran, puis rachetés par des marchands d'art. Ce type de trafic n'est pas encore très réglementé. Il est difficile, surtout dans des zones à risque, de surveiller ce genre de pratiques.
L'Afghanistan est le principal producteur d'opium du monde et serait le premier producteur d'héroïne. En 2012, le pays produisait 90 % de la production totale mondiale. Et cette production, selon les experts, ne pourra qu'augmenter après le départ des troupes américaines de la province d'Helmand (là où la production est la plus forte). L'instabilité favorise la culture de l'opium et vice versa : talibans et trafiquants, chacun y trouve son compte. Des sommes colossales (plus de 6 milliards de dollars depuis 2001) sont investies par l'aide internationale dans des programmes d'éradication du pavot, mais les résultats sont loin d'être concluants. Les paysans préfèrent cultiver le pavot qui leur rapporte gros plutôt que toute autre culture (le blé, le riz ou le maïs se vendent 100 fois moins cher), et les cultures de substitution proposées ne sont pas satisfaisantes financièrement.
En 2010, la production avait presque chuté de moitié (4 800 tonnes) suite à l'apparition d'un champignon tueur sur les plants de pavot. Mais la culture est repartie en hausse en 2011, avec 5 800 tonnes. Les surfaces cultivées ont également augmenté de 8 000 hectares (portant le total à 131 000 hectares) pendant cette même période. En 2012, le ministre de la lutte contre le narcotrafic a même déclaré que l'année serait plus difficile que jamais : un champignon ravage (encore) la production dans plusieurs provinces, donc les prix de l'opium montent et cette production rémunératrice attire de nouveaux paysans. Si rien ne change, le pays peut, à ce rythme, devenir un narco-Etat. Selon un rapport de mai 2012 établi par l'ONUDC, la culture du pavot est présente notamment dans le Sud du pays, mais s'étend aussi dans l'Est et l'Ouest (au moins 18 provinces sur 34 auront produit du pavot à opium en 2012). La valeur des exportations des dérivés de l'opium, l'héroïne en premier lieu, aurait rapporté environ 2,5 milliards de dollars en 2011, soit 15 % du Produit intérieur brut du pays. La drogue fait vivre plus de 2 millions d'Afghans. Les Etats-Unis ont promis 30 millions de dollars d'aide à l'Afghanistan en 2012 pour poursuivre son programme d'éradication.
Depuis 2001, année de la chute du régime taliban, les échanges commerciaux reprennent, et ce grâce à la reconstruction des voies de communication. Mais ils restent limités, notamment en raison de l'insécurité et la balance commerciale du pays est largement déficitaire. Les principaux partenaires commerciaux de l'Afghanistan sont, par ordre d'importance décroissant, le Pakistan, l'Inde, l'Iran et la Turquie. La Chine est elle aussi très présente au sein de l'économie afghane grâce à ses investissements, en particulier dans le secteur minier.
Les pays de la région se retrouvent régulièrement lors des conférences sur la coopération régionale économique pour l'Afghanistan (RECCA). RECCA V, qui s'est tenue à Douchanbé, au Tadjikistan en 2012, a accueilli une quarantaine de ministres des Affaires étrangères et quatre présidents (Iran, Afghanistan, Pakistan, Tadjikistan). En marge de ce sommet, les investisseurs se rencontrent, tout comme un panel d'expert scientifiques. Lors de cette cinquième conférence RECCA, il a bien sûr été question de l'avenir de la coopération et de la croissance économique afghane, à l'aube du retrait des forces de la coalition. De grandes priorités ont été énoncées : le développement du réseau ferroviaire, notamment pour faciliter l'exportation de minerais ; la rénovation du tunnel de Salang, héritage de l'ère soviétique en surcapacité, et la finition de l'autoroute qui traverse le pays d'est en ouest. Dans le domaine énergétique, l'accent est mis sur la création d'un gazoduc entre le Turkménistan et l'Inde, qui passera par l'Afghanistan et engendrera à ce titre des revenus. La mise en place de ce projet, connu sous l'acronyme TAPI, traine en longueur. Plus concret pour la population afghane : les pays de la région s'engagent à crééer à Kaboul des organismes de formation professionnelle, notamment dans le secteur minier, en plein développement.
Le tourisme était l'un des secteurs-clés de l'économie afghane avant la guerre. On se souvient des hordes de hippies qui traversaient le pays sur la route de Kathmandou... Mais, aujourd'hui, c'est loin d'être le cas. L'avenir du tourisme en Afghanistan dépendra de la remise en état des infrastructures et, surtout, du retour à la stabilité. Actuellement, ce pays attire surtout des journalistes ou des humanitaires. Et, pourtant, le potentiel touristique afghan est énorme, même si de nombreux sites ont été détruits pendant la guerre. Si la situation le permettait, beaucoup d'Afghans, forts de leur expérience dans les ONG ou avec les étrangers, auraient la possibilité de travailler dans le secteur du tourisme. La randonnée, les expéditions culturelles ou encore les sites archéologiques de l'Afghanistan pourraient être des thèmes propres à relancer le tourisme.
Un pays en pleine reconstruction. Depuis 2001, la reconstruction économique de l'Afghanistan s'appuie essentiellement sur l'aide internationale. De nombreux pans de l'économie afghane sont à reconstruire. Près de 25 % des logements sont à rénover, ce qui stimule le secteur du bâtiment, et l'afflux des réfugiés après la chute du régime taliban incite l'Afghanistan à construire rapidement. Les constructions massives dans la capitale afghane sont souvent un moyen pour les trafiquants de drogue de blanchir de l'argent. Les maisons de Sherpoor, à côté de Wazir Akbar Khan, à Kaboul, sont d'ailleurs souvent pointés du doigts et appelées " poppy palaces " (maisons de la drogue).
Cette phase de reconstruction incite de nombreux investisseurs, comme Nestlé ou Coca-Cola, à s'y installer. D'après la Banque Mondiale, le stocks d'investissements directs étrangers (IDE) s'élevaient à un peu plus d'1,6 milliard de dollars en 2010. En 2011, l'Afghanistan a signé plusieurs projets dans le secteur de l'énergie avec ses partenaires économiques : d'abord avec l'Inde, très présent dans le secteur minier. La Steel Authority of India a remporté l'appel d'offre lancé par le gouvernement afghan pour l'exploitation de la mine de fer d'Hajigak, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Kaboul. Cela permet à l'Inde de concurrencer la Chine qui, à travers la China National Petroleum Corporation, a décroché de son côté le contrat d'exploitation d'un champ pétrolier dans le bassin de l'Amou Daria, au nord-est du pays. La Chine et l'Inde se partagent donc pour l'instant le gâteau du secteur minier afghan, qui pourrait offrir de belles pespectives. Le marché, de source diplomatique, pourrait représenter de 42 à 45 % du PIB afghan d'ici 2024.
Une économie encore très dépendante de l'aide internationale. Pour se relever, l'économie afghane doit dépasser plusieurs de ses handicaps actuels. Aujourd'hui, les systèmes de communication sont insuffisants, la main-d'oeuvre qualifiée est rare, le système est gangrené par la corruption, et le développement du système bancaire et financier est faible.
Pour le moment, l'économie est encore bien trop dépendante de l'aide internationale. Washington finance par exemple entièrement la formation et l'équipement des forces de sécurité afghanes. Les prévisions les plus optimistes montrent qu'il faudra plus de 10 ans à l'Afghanistan pour payer ses soldats... et au cours de ces dix annéees, le pays aura besoin de 6 à 7 milliards de dollars. La conférence de l'OTAN à Chicago en mai 2012 n'a promis que 4,1 milliards de dollars. De plus, il s'agit de promesses générales : certains pays, comme la France, n'ont pas encore répondu aux appels de fonds de l'OTAN...
Kaboul s'attend à recevoir quelque 4 milliards de dollars d'aide civile en plus de cette aide militaire. En 2012, les principaux contributeurs étaient les Etats-Unis, la Banque mondiale, le FMI, le Japon et l'Union européenne, des donateurs échaudés par le scandale de la Kabul Bank. Les Afghans et plusieurs ONG craignent de voir cette aide internationale fondre au soleil, avec le retrait des soldats de la coalition. Selon le site gouvernemental américain foreignassistance.gov, l'aide apportée par les Etats-Unis a, par exemple, baissé de 22 % entre 2010 et 2012.
Alors que le retrait des forces de l'OTAN s'engage, la Chine a su tirer son épingle du jeu dans la lutte d'influence entre les pays voisins de l'Afghanistan. En juin 2012, le président chinois Hu Jintao a reçu son homologue afghan Hamid Karzaï à Pékin. Il a promis un renforcement de la coopération entre les deux pays, notamment dans les domaines du commerce et de la sécurité. Une aide " sincère et désintéressée ", a précisé Pékin, scellée dans le marbre lors de la signature d'un accord de partenariat stratégique.
Dans ce texte, la Chine s'engage à aider à la construction d'infrastructures, accordera des bourses aux étudiants afghans et fournira une aide d'environ 20 millions d'euros par an au pays. En retour, Kaboul appuie Pékin au niveau diplomatique : le gouvernement afghan soutient notamment le principe de souveraineté chinoise sur la région du Xinjiang, où le gouvernement central chinois fait face à une rébellion.
La Chine, qui partage une toute petite frontière avec l'Afghanistan, avance donc ses pions : grâce à des concessions importantes obtenues dans le secteur minier, elle est devenue l'un des principaux investisseurs étrangers du pays et concurrence ainsi l'Inde, l'Iran et le Pakistan. Pékin est en revanche moins présent en termes d'aide internationale : la Chine n'aurait déboursé que 246 millions de dollars depuis 2001 selon l'ambassade chinoise en Afghanistan, citée par le journal Le Monde, soit seulement un dixième de la contribution du Japon.
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